Le mois du Bison Blanc

Bon ben cette première « vraie » journée de janvier tire à sa fin.

Ouais, je dis « vraie » vu que c’est le retour au boulot pour pas mal d’entre nous, mais en fait, je devrais dire « fausse » parce que la vraie vie c’est celle de ces 2 dernières semaines : pas d’horaire, pas de contraintes, juste du plaisir.

Recevoir des amis, avoir ses potes de Suisse en visite, traîner autour d’un feu de cheminée en buvant du vin et en faisant des théories toutes plus abracadabrantes les unes que les autres, se marrer, être sérieux, se dire que le temps passe trop vite, profiter de l’instant, se faire mutuellement découvrir de nouveaux groupes, de nouveaux sons, marcher dans la neige fraîche, faire un bonhomme de neige, aller faire bombance dans un pub irlandais, célébrer l’an neuf avec nos amis bavarois, bien bouffer et surtout, bouffer n’importe comment et à n’importe quelle heure…

Et là, retour à la réalité, au quotidien.

Je ne sais pas pourquoi, j’en fais toujours des caisses et j’exagère toujours ce jours de janvier de la rentrée mais au final, ça se passe chaque fois plutôt relax.

Ce matin, nous sommes sortis de la maison, le soleil brillait sur la neige et ça sentait bon. La neige un peu collante, ça sent bon, je trouve. Ça dégage une envie de printemps et d’oiseaux qui chantent.
Même si on sait que PAF ! on peut se reprendre des tempêtes de flocons et que bon… on n’est qu’en janvier, le printemps et les oiseaux sont encore pas mal loin.

Mais ce matin l’air sentait ça. Pas trop mal pour un lundi qu’on a tendance à souvent dramatiser. Le trajet jusqu’au boulot, super sympa aussi. Y avait de l’optimisme dans l’air, comme une excitation de repartir à neuf, même la radio nous diffusait des trucs qui te font te sentir bien ! Enfin… la radio franco que j’écoute en tout cas…

Au bureau aussi, tout le monde avait le sourire, était comme requinqué. Alors une fois de plus, je me suis rendue compte que souvent, on a trop tendance à imaginer les choses en grisaille alors que non… on ne devrait pas. Encore un de ces satanés lavages de cerveau, une de ces satanées phrases qu’on se répète de génération en génération, d’amis à amis et de collègues à collègues : pfffffff ! c’est lundi !

Je ne suis pas une tristounette du lundi, je ne ressens jamais « l’angoisse du dimache soir »,  mais j’ai tendance à être une bof-bof du mois de janvier et de son jour de rentrée. J’ai jamais trop aimé janvier-février-mars. D’abord parce que le belles lumières et les décos de Noël commencent à disparaître petit à petit, ensuite parce qu’on manque souvent de soleil et d’énergie, et aussi parce que mars, surtout, nous joue des sales tours en nous donnant un avant-goût de ciel bleu et de beau gazon vert pour ensuite nous filer un coup d’assomoir sous forme de pluie diluviennes, de neige mouillée et de trottoirs couverts de pètche (mot vaudois qu’on peut traduire par slush, papette, papotche…!)

Et depuis 2 ans, janvier c’est aussi un mois particulier. C’est le mois où on a perdu notre maman. C’est un mois étrange, triste mais que j’essaie de rendre lumineux en pensant à elle, aux belles choses qu’elle a réussi à nous transmettre et en niant un petit peu sa disparition.
J’ai le cul entre deux chaises. Je sais qu’elle n’est plus là mais une partie de moi est constamment à lui faire des clins d’oeil, comme si elle me voyait. Une partie de moi continue à être à l’affût d’un petit signe d’elle.

Je suis agnostique. Quand elle est partie, mon papa, mon frangin, enfin notre famille, nous avons reçu beaucoup de mots tendres, chaleureux, des mots de compassion et aussi, de la part des croyants, des mots en rapport avec leur vision de l’au-delà. mais j’ai vraiment pu sentir que, croyants ou non, les gens étaient aussi démunis et désarmés que nous, face à la mort, et que malgré tout, ils cherchaient y poser des mots. Leur douceur m’avait réchauffé le coeur, mais malgré tout, les mots qui m’ont apporté un réel réconfort sont venus de mon ami chamane.

Comme beaucoup d’agnostiques, je ne crois pas vraiment en quelque chose, je suis assez terre à terre mais je garde toujours une porte ouverte au mystère.
Car si on ne peut pas « prouver » l’existence de « Dieu », on ne peut non plus pas prouver sa non-existence. Le mystère demeure. Alors je garde une parte ouverte, je reste  l’écoute, on ne sait jamais. Et quand on perd un proche, on a soudain besoin ou envie de se rassurer sur où elle ou il s’en est allé(e).

Donc mon amie chamane m’a appelée quelques heures après le décès de ma maman. Je venais d’arriver en Suisse. Elle m’a dit qu’elle avait fait un voyage chamanique et vu ma maman. Elle flottait en quelque sorte et avait l’air déroutée jusqu’à ce qu’un Bison Blanc apparaisse et lui souffle dessus pour la guider et l’aider à trouver son chemin vers le Grand Esprit. Ma maman aurait fait comprendre à mon amie qu’elle voulait que chacun de nous plante un arbre et y dépose son chagrin et sa tristesse, afin de vivre dans les souvenirs lumineux.

Je n’ai jamais fait de voyage chamanique, mais deux personnes de mon entourage l’ont fait. Je crois ce qu’elles me disent même si je ne suis pas à même de le vérifier. J’y crois parce que ça me convient bien. Je ne sais pas si moi-même serais prête à effectuer un voyage chamanique, car en ce moment, même si j’ai une porte ouverte sur le mystère, je reste encore très ancrée les pieds sur Terre.

Mais quoiqu’il en soit, ces paroles de mon amie sont sans doute celles qui mont le plus rassurée, qui m’ont vraiment fait du bien. Elle m’a fait un immense cadeau ce jour-là et au milieu des sanglots, de la tristesse, de la colère, j’avais l’image radieuse de ce Bison Blanc.
Autant les différentes doctrines religieuses strictes ne m’attirent pas, autant je me sens libre et bien lorsqu’on parle juste du grand Esprit. Celui des Indiens.

Alors pour moi, le mois de janvier est devenu un peu le mois du Bison Blanc. Même si je vais le traverser ce mois avec par moment un coeur gros de larmes, même si la tristesse et la colère sont encore parfois présentes et même si, je le reconnais, je suis encore un peu dans le déni, j’ai au moins une image pour me rassurer : celle de ma maman aux côtés d’un Bison Blanc.

Happy mois de Janvier à tous !

WhiteBisonWhite Bison by Sandra Dieckmann

Un vendredi d’automne à Münich, Ontario…

 

… ouais un vendredi bavarois, parfaitement ! Et ça va encore parler de bouffe !

Moi, bonne Suisse, en automne j’aime la saucisse, la choucroute, les röstis, ce qui cale et qui réchauffe et qu’on appelle en anglais « comfort food ».

Et, pour mon plu grand bonheur, voilà environ 5 ans, nous avons découvert par hasard, grâce aux drapeaux allemand, suisse et autrichien qui ornent sa devanture, un resto qui s’appelle « Little Bavaria« . Qui plus est, est situé à 5 minutes de bagnole de la maison, tra lala outi !

Nous sommes, depuis, des clients réguliers. Surtout en automne et en hiver et surtout aussi, pour y célébrer l’Oktoberfest ou le Fastnacht.

Parlons-en de leur Oktoberfest ! Tu ouvres le porte de l’établissement et te trouves directement happé par une odeur de choucroute et un son d’accordéon qui te téléporte illico en Bavière, en Autriche ou en Suisse-allemande (oui, c’est Bavarois mais ils mélangent un peu les styles pour faire plaisir à toutes ces petites communautés d’Europe centrale).

Moi qui, il n’y a pas si longtemps, avais le poil qui se dressait au son d’une quelconque musique folklorique (je suis une punk en Doc Martens, je le rappelle ! Ha !) depuis que je suis immigrée, j’ai toujours les poils qui se hérissent mais d’une façon diamétralement opposée. Les poils du coeur, quoi. Ça me touche et ça me donne envie de danser et de rigoler, ça me colle la nostalgie du pays aussi (alors que plus jeune, j’aurais tiré un gueule de 10 mètre au moindre son d’accordéon ou de cor des Alpes).

Voilà. Alors « Little Bavaria » c’est un peu une machine à téléportation. Tu entres et là tu te trouves dans une petite salle, avec du bois partout et des décorations folklo-bavaroises-helvético-autrichienne à n’en plus pouvoir. Y en a partout, y a la photo du Cervin, le drapeau autrichien, des guirlandes bleues et blanches, des publicité pour de la bière münichoise, bref, tu sais plus où regarder, tellement y a de trucs. Et c’est réussi, en plus. T’es juste complètement dépaysé (ou de retour au pays si t’es un immigrant, au choix !).

Y a la bouffe aussi. Leur carte regorge de Schnitzels, Schweinhaxe, Sauerkraut, Red Cabbage, Bratwurst, Cabbage rolls, des bières allemandes à profusion, du vin et des desserts genre « Apfel Strudel » et compagnie, le tout arrosé de café viennois et d’un coup de schnaps. Rien n’y manque. Y a même le pain bavarois, identique à celui que ma grand-mère mettait sur la table (ma grand-mère est suisse-allemande, d’où mon amour pour la bouffe germanique aussi !).

Mais par-dessus tout, le clou du restaurant, ben ce sont ses proprios. Et là, je dis encore une fois : c’est Toronto ! Les proprios sont des Indiens (d’Inde) qui ont vécu des années en Allemagne. Ils ont tenu des brasseries à Münich et à Augsburg et un beau jour de l’année 1987, ils ont décidé de tenter l’aventure à Toronto.

Brillante idée et réussite totale car leur établissement ne désemplit pas. La clientèle est variée, même si en majorité ce sont des gens immigrés de régions germaniques, on a remarqué que les Irlandais aiment bien venir y faire les fous, aussi !

L’ambiance est mortelle. Johnny, le proprio, indien, je vous le rappelle, car ça ajoute une touche au charme, est complètement déjanté. Il est non seulement le chef (aidé de sa famille) mais également l’agitateur du coin.

Il papote avec tout le monde dans un langage très torontois, c’est à dire un gros mélange d’allemand et d’anglais teinté d’accent indien, il se ballade dans ses Lederhosen, un chapeau tyrolien vissée sur la tête, chahutant, soufflant dans une trompette ou se mettant à la youtze. Il engage régulièrement un accordéoniste qui l’accompagne dans son délire.

Le gars sait mener sa barque, il sait mettre le feu et surtout, il sait jouer avec la fibre sensible de ses clients. La plupart de ses soirées se terminent dans une cacophonie de voix, de youtze, et de gens qui bougent les tables pour pouvoir danser. Vous allez vous en rendre compte si vous zyeutez les photos du site du restaurant. Ça masse, par là-bas !

Les soirées dites « normales », il y a certes le même style d’ambiance, mais moins déjanté quand même. En tout cas, ça termine bien une semaine d’automne, quand on n’a pas envie de cuisiner un vendredi soir, hop direction « Little Bavaria ».

Vendredi je me suis régalée avec ses « Cabbage rolls » et mon mec s’est envoyé les saucisses fumées. Le tout, généreusement accompagné de choucroute et de red cabbage. Souper qui s’est terminé par un bon coup de schnaps, home made, bien sûr ! Bref, de quoi vous mettre le ventre bien au chaud et le sourire pour tout le week-end !

Si un jour vous passez par Toronto et que vous avez envie d’une bonne bouffe qui vous réchauffe le coeur, pensez à ce petit endroit, si discret de l’extérieur, mais si chaleureux à l’intérieur.

Bon dimanche d’automne ! (Ici à Toronto, c’est l’ambiance « feu de cheminée »)