Le week-end passé a été un parfait combo, tu sais, comme quand tout à coup, les étoiles et les planètes s’alignent à la perfection :
– La Thanksgiving canadienne (= week-end de 3 jours)
– L’Apogée des couleurs en Algonquin
– L’Été indien (= vagues de chaleur)
Ça doit faire des lustres que ces trois facteurs n’ont pas été autant en symbiose.
Thanksgiving, sous un seul nom, a plusieurs visages, selon si on est religieux, non religieux, épicurien, coureur des bois ou festoyeur.
Nous on a décidé de rendre grâce à ce qui nous semble la seule et unique force qui accompagne notre vie, j’ai nommé Mother Nature aka Le Grand Esprit. Et, sans surprise, c’est en Algonquin que nous avons décidé de passer ces 3 jours.
Le parc provincial de l’Algonquin fait 7’600 kilomètre carrés. Il abrite 2’400 lacs et 1’200 km de rivières. C’est un endroit souvent qualifié de « world capital of canoeing » et tu comprends pourquoi.
Et on a beau y accumuler des week-ends et des séjours depuis des années, on en connaît à peine le quart. On a beaucoup fait la partie sud du parc (qui est aussi la plus proche de Toronto, entre 4 et 5 heures de route) mais il nous reste encore une bonne quantité de terres inexplorées, de lacs inconnus et c’est tant mieux.
Algonquin, tu pourrais passer ta vie à l’explorer sans jamais connaître tous ses secrets. À part peut-être les rangers qui y bossent et qui connaissent les lieux comme le dos de leur main.
Une fois de plus, on a opté pour l’entrée Ouest, Highway 60 et pour se faire plaisir aux yeux, même si c’est un poil plus long, on a pris la Highway 35 pour rejoindre la 60. Ça vaut le détour si on est à moto mais aussi et surtout, c’est particulièrement magnifique à cette saison.
Cette route on l’a faite des dizaines de fois, à moto ou en Jeep avec le canoë sur le toit. C’est une route qu’on connaît par coeur.
Samedi passé, on a opté pour la Jeep car pour la Thanksgiving, on voulait absolument avoir nos deux chiens avec nous. C’est un peu un truc de famille aussi, cette fête et on voulait que les chiens en fassent partie.
Sur la route, entre deux chansons de Johnny Cash ou First Aid Kit, nous nous sommes amusés à nous remémorer et récapituler les lacs où nous avons ramé, les lieux où nous avons campé, marché et parfois, il faut le dire, souffert un peu, surtout durant la saison hivernale.
Opeongo Lake, Booth Lake, Kitty Lake, Farm Lake, Mew Lake, Canisbay Lake, Canoe Lake, Bear Island, Oxtongue River, Smoke Lake, Timber Trail, Western Uplands, autant de noms qui me font me sentir comme une héroïne de Jack London.
Oui, je sais, les abus de lecture pendant l’enfance ont de sérieuses répercussions sur l’âge adulte. Quand on passe trop de nuits sous les couvertures, la lampe de poche braquée sur les pages d’un bouquin, on finit par se prendre pour le héros ou l’héroïne de service pour un oui ou pour un non.
Je pourrais écrire des pages sur Algonquin. C’est là que j’ai entendu mes premières loons chanter, et que j’ai vu des élans pour la première fois et c’est là aussi que des loups ont répondu à nos pathétiques tentatives de hurlements.
À Algonquin, nous avons été dévorés vivants par les moustiques et les mouches noires, on a dormi sous tente, sous tepee, à la belle étoile, entourés des bourdonnements d’insectes et de chants d’oiseaux ou dans le silence glacé des nuits enneigées.
On a traîné nos luges surchargées de matos dans la neige du jour de l’an, on a pêché des moules fraîches, repéré des traces d’ours, écouté le chant des whip poor will, on a ramé des journées entières, sous le soleil, sous la pluie aussi, on a porté nos canoës sur notre dos, au-delà des rapides, on a cuit notre bannock (aka muqpauraq), on a nagé, on a chanté, parlé des heures autour du feu, on a taillé des outils, lu des bouquins dans un hamac, tressé des dreamcatchers.
Algonquin c’est aussi et avant tout, le nom d’une communauté des Premières Nations. Le Grand Esprit y a été honoré et respecté pendant des siècles et malgré les blessures de l’histoire, cette énergie est là encore. Forte, vibrante, palpitante.
Et quand tu entres au Royaume des Algonquins, tu as deux options : soit tu résistes, tu t’accroches à ton portable, à ton sandwich MacDo et tu prends quelques photos à la va-vite depuis ta bagnole avant de repartir vers la ville, ou alors tu décides de t’enfoncer dans la Nature sauvage, tel que tu es, face aux forces du soleil, des arbres, de la lune, des lacs et tu te laisses happer par ce tourbillon de puissance brute.
On dit qu’une image vaut mille mots alors tiens, en 51’000 mots, voilà Algonquin en vrac, sans ordre chronologique précis.
Je te souhaite à toi aussi, d’avoir un coin, quelque part sur cette planète qui te fasse « l’effet Algonquin ».
Passe un beau week-end d’automne.
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